Il existe des gens plus spectaculaires que d'autres... Spectaculaires dans le sens où ils sont différents, et qu'ils assument cette différence. Qu'ils en font une force, et non une faiblesse. Ce genre de personnes existait aussi dans le monde de la magie. En la personne de Luna Lovegood.

Assise dans le train qui la ramenait vers Poudlard, elle lisait le journal du Chicaneur à l'envers. Comme assez souvent. L'article parlait des Astibulles, des asticots d'eau qui avaient l'étrange capacité de créer une bulle pour respirer sous l'eau. Il était dit que dans la bulle de ces créatures se cachait une image. Et bien entendu, Luna cherchait le dit-dessin. Elle tournait et retournait donc le Chicaneur, espérant trouver ce dessin. Les gens qui passaient devant le wagon l'observait avec un regard étrange. Ce regard étrange et un peu surpris que l'on réserve aux personnes qui ont un comportement que l'on juge anormal, pour la simple et bonne raison qu'ils étaient différents. Ceci dit, la jeune fille n'en avait absolument rien à faire. Ils pouvaient la regarder autant qu'ils le voulaient, ils pouvaient aussi la critiquer pendant des heures... Elle entendait tout. Elle retenait tout. Comme toute personne normale, Luna était aussi blessée par ces propos que l'on tenait à son égard. Et pourtant... Elle en faisait abstraction. Pour mieux se concentrer sur ceux qui l'appréciaient comme elle était. Deux personne. Ce nombre était sûr, et la Serdaigle savait qu'elle pourrait compter sur elles quoiqu'il arrive. Ces personnes étaient les seules à avoir osé s'asseoir dans le même wagon qu'elle. Ginny Weasley. Gryffondor de même année. Une camarade de classe. Une jeune fille qui n'hésitait pas à prendre la défense de Luna. Lena Potter. Une autre Gryffondor de même année. Elle aussi n'hésitait pas à prendre sa défense. C'était le plus important pour la demoiselle. Peu importe qu'elle ait beaucoup d'amis ou non, le plus important était selon elle, d'en avoir des loyaux sur qui elle pouvait toujours compter. D'en avoir avec qui elle s'amusait et qui ne la prenait pas pour une folle lorsqu'elle parlait de Ronflak Cornu, d'Enormus à Babille ou d'Astibulles. Tout ça, c'était ce qui lui tenait à coeur.

A Poudlard, la plupart des élèves passaient leur temps à se moquer d'elle. Et elle s'en fichait pas mal. Parce qu'elle avait toujours été différente, un peu extravagante, voire folle comme beaucoup semblaient le croire. De ce point de vue, Luna ressemblait beaucoup à son père, Xenophilius Lovegood. Son père était aussi le directeur du Chicaneur, et dans son journal, il lui arrivait souvent de parler du Ronflak Cornu, et autres créatures qui, selon les Lovegood, existaient, mais qui n'existaient pas selon les autres. Pour eux, le fait de n'avoir aucune preuve de leur existence suffisait à penser qu'ils ne faisaient pas partie du monde réel. Cela n'avait pourtant pas empêché Sarah Wickers, la mère de Luna, de tomber amoureuse de son père. Sa mère, d'après son père, était une femme très intelligente. Intelligence dont avait hérité Luna, contrairement à ce que beaucoup semblaient croire. Sarah était une sorcière extraordinaire qui aimait les expériences, et qui s'amusait à inventer de nouveaux sortilèges à la maison. Luna se souvenait parfaitement de la pièce que sa mère avait créée à la cave. Une pièce emplie d'objets étranges, sur lesquels Sarah faisait ses expériences. A de nombreuses reprises, la petite fille qu'avait été Luna avait assisté au travail de sa mère. Ca l'avait toujours fascinée. Et un jour de l'année de son neuvième printemps, tout s'arrêta. Luna avait assisté à une des expériences de sa mère. Une expérience qui avait mal tourné. La petite blondinette se souvenait s'être assise sur une chaise, et avoir observé attentivement le détail du travail de sa mère. Pourtant, contrairement aux autres fois, cette expérience se voyait devenir différente. De la baguette magique de Sarah sortait des boules d'énergie, comme si elle avait concentré un Stupefix en une boule et non en un rayon. Boules de lumière de plus en plus grosses. Dont la plus grosse justement s'envola de la baguette pour aller exploser contre le mur face à Sarah. Une lumière aveuglante avait alors jailli. Une explosion s'était fait entendre. Puis ce fut le vide. Le néant.

Lorsqu'elle s'éveilla ce jour-là, elle était dans son lit. En émergeant tout doucement, elle reconnut des sanglots proches d'elle. Toujours en douceur, elle se redressa, et vit son père pleurer, assis sur une chaise au pied de son lit.
-Papa?
Une voix faible... Qui pourtant fit revivre un espoir dans le coeur de Xeno. Il se leva pour tomber à genoux devant le lit. Et prendre Luna dans ses bras. La petite fille ne comprit pas, mais serra son père à son tour.
-Papa? Elle est où maman?
Un sanglot. Un silence. Puis une réponse.
-Maman... Est partie.
-Partie où? Au travail?
-Non, Luna. Elle est... Elle est... Morte... Elle ne reviendra pas.
Ce fut difficile de comprendre la réaction de Luna. Elle était enfant, et n'avait que neuf ans. Elle avait perdu sa mère. Première réaction, prendre son père dans les bras, et murmurer.
-Ne t'inquiète pas, elle reviendra.
Puis elle comprit les paroles de son père. Morte. Le mot résonnait en elle comme une promesse de tristesse. Les larmes coulèrent sur ses joues. Pourquoi sa mère était morte? Et pas elle? Quand elle fut calmée, elle descendit à la cave, et découvrit une chose étonnante, qu'elle ne comprit pas tout de suite. Autour de la chaise sur laquelle elle était assise lors de l'accident, se dessinait un cercle d'environ un mètre d'envergure. Totalement vide de morceaux de verres, et autres morceaux d'objets. Dépourvus de brûlures aussi. Le corps de sa mère avait lui aussi laissé une marque, mais son père avait pris soin de l'enlever. Quelques mois après l'accident, Luna osa enfin poser la question qui trottait dans sa tête depuis si longtemps.
-Papa? J'ai fait de la magie, quand maman est... Est morte?
-Oui... Et c'est ce qui t'a sauvé.
-Alors, je suis une sorcière aussi?
Xenophilius hocha la tête. Il n'y avait rien de plus à ajouter. Elle avait tout dit.

Des souvenirs certes tristes, et une vie pas spécialement joyeuse pour la jeune Serdaigle... Mais c'était sa vie, et pour rien au monde, elle ne la changerait. Car cela faisait à la fois sa force, et aussi sa faiblesse. Cela faisait aussi d'elle ce qu'elle était. Une fille extraordinairement sympathique se cachait derrière cette douce folie qui l'habitait. Cette folie douce était sans doute due à cet air rêveur qui s'emparait d'elle à tout moment de la journée. Ce même air rêveur qu'ont souvent les gens au réveil... Un air rêveur qui accompagne un trait de caractère assez étonnant chez Luna. La plupart du temps, lorsque la Serdaigle arrive à un endroit, c'est un peu, voire beaucoup, par hasard. Lorsqu'elle marche, elle ne fait pas attention à l'endroit où ses pas la mènent, un peu comme elle ne fait pas attention à ce qu'on dit d'elle. Et forcément, on s'étonne que parfois, elle ait un peu l'air perdue dans Poudlard... Son aura de folie douce se dessine aussi sur son visage pale, ses longs cheveux blonds sales, et ses yeux bleus clairs. Et cet étrange fait que Luna se promène souvent pieds nus dans le parc... Que ce soit en automne, au printemps... Ou en hiver!

Partir à Poudlard fut une nouvelle aventure pour Luna. La magie faisait vraiment partie de sa vie, et elle y allait pour apprendre à la maîtriser. Elle ne s'était peut-être pas attendue à passer beaucoup de temps seule, cependant... Car à croire en des créatures dont on n'a aucune preuve, cela n'attirait pas toujours les amis. Mais plutôt les moqueries. A dire vrai, il y avait très peu de personnes avec qui elle s'entendait bien. Et malgré quelques retards, la Serdaigle faisait tout de même partie de ces élèves intelligents qui faisaient gagner des points à sa maison. Beaucoup se moquaient d'elle, mais peu de personnes la connaissaient assez bien pour savoir qu'elle n'était pas aussi folle qu'elle le prétendait.

Le regard de Luna se posa sur la fenêtre du Poudlard Express. La nuit était tombée, le voyage s'achevait. Il était temps pour elle de revêtir l'uniforme de sa Maison. Cette année, elle allait encore emprunter les diligences. Elle se souvenait des paroles de nombreux élèves de l'école, qu’elle avait entendue en première année : les diligences qui les amenaient à Poudlard avançaient toutes seules. Elle avait eu hâte de voir ça. En première année, on rejoignait l'école en passant par les barques. Puis les suivantes, c'était en diligence. Seulement, en arrivant devant, lors de sa seconde année, Luna découvrit que les élèves de l'école mentaient. Les diligences étaient tirées par des chevaux noirs ailés. Et étrangement squelettiques. La jeune fille avait eu un regard intrigué. En jetant un oeil à Ginny et Lena, elle remarqua qu’elles ne s’étaient pas intéressées aux créatures. Pourtant, ce n'était pas le fruit de son imagination... Les chevaux étaient bien là. Et s’ils n'étaient visibles que par certaines personnes? Comme tout Serdaigle digne de ce nom, la jeune fille s’était dit qu'il faudrait qu'elle aille chercher ce qu'étaient ces créatures à la bibliothèque. Dès qu'elle en aurait l'occasion. Et elle avait fini par trouver. Et la voilà pour la troisième fois devant les diligences de Poudlard. Cette quatrième année s’annonçait belle en surprises. Comme à chaque fois. D'autant plus qu'elle ne savait pas encore qu'avec la nouvelle réforme du Ministère, elle allait être avec Ginny et Lena à Serdaigle. Et même si cette nouvelle réforme ne lui plaisait pas vraiment, elle voyait là une bonne occasion d'être peut-être avec ses deux meilleures amies.