Parfois, force était de constater que tout se goupillait plutôt bien. Bien sûr, elle aurait pu prendre sa forme féline, passer par la petite porte, tracer jusque là et redevenir Ashley, mais il s'agissait juste de temps en temps d'une question de chance. Ses bottes avaient battu le sol de pierre et les escaliers de bois jusqu'au troisième étage où l'attendait tout une foule de petits curieux. Invitée par Ombrage qui ne rechignait jamais à passer sur son établissement la brosse à reluire plus que de raison pour paraître moins suspecte, elle avait accepté dans le seul but d'y voir son contact et non moins ami pour se tenir au courant des dernières nouveautés en matière d'horreur que les étudiants allaient devoir endurer.
- Je suis surprise que Madame Ombrage ne m'accueille pas elle-même...
- Luffy ne dois pas dire de mal de Madame Ombrage.
- Mais?
- Luffy sait que Madame Ombrage pas comme Monsieur Dumbledore...
- Tu es très perspicace, Luffy...
- Madame Nightingale garder secret de Luffy, n'est-ce pas?
- Bien sûr, Luffy. Tu peux me faire confiance.
- Luffy le sait. Luffy aime bien Madame Nightingale.
L'elfe de maison avançait beaucoup plus vite qu'elle mais elle connaissait si bien les lieux qu'elle aurait pu se rendre seule à son rendez-vous. Elle prenait donc le temps de s'arrêter sur les détails du décor qui n'avait quasiment pas changé sinon dans son essence. Il s'y respirait en effet ici un nouvel air, emprunt d'acide, de mystère malsain, de doute aussi. Caché derrière beaucoup trop de normalité et d'inchangé apparent pour ne pas éveiller les soupçons. Luffy admirait Ashley pour la simple raison qu'elle était beaucoup plus libre que les autres sorciers... alors qu'un elfe de maison...!
- Luffy peut demander quelque chose à Madame Nightingale?
- Evidemment, Luffy, je t'écoute!
- Comment Madame Nightingale sait qu'elle est libre? Le balai de Madame Nightingale lui a offert une chaussette?
- Ahahah!
- Luffy est bête?
- Non pas du tout! La liberté, vois-tu, c'est quelque chose que tout le monde ressent différemment. Pour toi ce sera le jour où on t'offrira un vêtement. Pour moi c'est de voler plus vite et plus loin que n'importe qui, avoir l'impression que personne ne peut me rattraper, ni même par conséquent m'attraper tout court, sentir le vent, aller plus haut que tout ce qui vole ici-bas. Pour d'autres la liberté c'est plus intellectuel, se dire qu'ils sont toujours libres de penser ce qu'ils veulent. J'ai connu des prisonniers d'Azkaban qui avaient l'air de tout sauf de prisonniers! Ils pensaient encore comme des gamins!
- Leurs idées pas en prison avec eux?
- En quelque sorte, oui. Ils se sentaient libres d'imaginer ce qu'ils voulaient. Pour d'autres la liberté c'est l'écriture. Ils peuvent écrire ce qu'ils veulent, personne ne peut les en empêcher.
- Mais Ministère empêche d'écrire!
- Non, Luffy. Il empêche de lire.
- A quoi sert écrire si lire pas possible?
- Ah ça... C'est tout l'intérêt du secret. On n'est pas obligé de publier officiellement pour être lu. Parfois les textes passent de main en main, cachés sous les manteaux, sans que personne ne devine que le message a été transmis.
- Madame Nightingale pas sorcière comme les autres, pas vrai?
- Et toi Luffy, sauras-tu garder mon secret?
- Luffy pas parler. Libre quand secret.
- Tu es un elfe très intelligent.
- Luffy aime bien Madame Nightingale.
Ashley sourit. Elle aussi elle aimait bien ce petit être bleu. Elle avait beau être consciente que les murs ici regorgeaient de choses dont il fallait se méfier, que ses dires pouvaient être perçus comme des aveux, mais le petit avait raison. Elle était plus libre que n'importe quel autre sorcier. On lui passait plus de choses qu'à d'autres. Sa carrière de sportive et son business l'avaient élevée au moins aussi haut que son balai et à l'heure qu'il était elle jouissait d'avantages que peu connaissaient. Elle parcourait le monde, appelée à droite et à gauche à distiller ses conseils sur le vol, à apprendre à gérer la célébrité sans que cela ne monte trop à la tête (enseignement que Sirius pouvait ruiner en une phrase, soit dit en passant), elle flirtait avec le danger en réalité. Tant que le Ministère la croyait utile en exerçant cela ou même simplement sans menace pour lui, il la laissait faire, mais le jour où il réaliserait que ses propos pouvaient être aussi interprétés comme une rébellion, elle finirait à Azkaban. Dash recelait des trésors de duplicité. Elle pouvait passer comme un être qui allait dans le sens du Ministère et dans l'exacte contraire!
Démonstration... L'elfe de maison s'effaça devant la porte du troisième étage après avoir témoigné pour la troisième fois son admiration. Ashley passa sa main sur le bois vieilli comme s'il allait lui livrer le secret de ce qui se trouvait derrière bien qu'elle le connaisse déjà. Elle inspira profondément, tira sur sa cape et entra discrètement. Des élèves de toutes années confondues, manifestement tous volontaires pour assister à la conférence, se tassaient entre les vitrines avec de grands yeux ébahis et sous les hourras, les sifflements et les applaudissements, l'aviatrice monta sur la petite chaire improvisée. Ses mains parallèles au sol se mouvèrent de haut en bas plusieurs fois afin de les calmer.
- Gardez ça pour Sirius, lui, il en redemande!
L'auditoire émit un rire d'une seule voix et comme si les photos de l'intéressé l'avaient entendu une vitrine attira l'attention de tous. Oui oui, ce Sirius-là, oui... Vous en connaissez d'autres, vous?
- Madame?
- Ashley. Je ne suis pas encore trop vieille. Oui?
- Pas comme Ombrage...
- Je vous ai entendu. On ne dit pas de mal de ses aînés.
- Propagande.
- Non. La propagande ça aurait été "Madame Ombrage est jeune!".
- Je vous remercie.
Le silence se fit d'un coup.
Le chamallow aigre-doux fit son entrée alors que de toute sa prestance Ashley assumait ses dires puisque manifestement elle n'en avait entendu que la fin.
- Puis-je savoir dans quel contexte cette phrase vous est venue, Mademoiselle Nightingale?
- Vos élèves semblaient surpris que vous accueilliez ici une sportive confirmée pour une petite conférence. La ligne directrice de l'enseignement que vous semblez diriger fait manifestement preuve de novation et d'une très enthousiasmante jeunesse d'esprit et de corps, et étant souvent l'image de celui ou celle qui l'initie, j'en déduisais que vous faisiez preuve d'une jeunesse considérable.
- Eh bien... merci.
Littéralement soufflé, le public venait de recevoir sa première leçon. Assumer et toujours tout tourner à son avantage. Mais le plus évident avait été fait au nez et à la barbe de tous : Ashley venait de leur prouver à elle seule qu'il était possible de lutter et de se protéger les uns les autres contre un élément terriblement dangereux sous ses faux airs de Mamie Gâteau. Évidemment il ne l'entendraient peut-être pas tous ainsi, peut-être même n'avaient-ils pas tous tiré l'enseignement de cette démonstration de voltige verbale, mais pour le peu que ces images avaient touché, Dash semblait satisfaite. La liberté de parler ne doit jamais être perdue, mais savoir la manier et la distiller à point nommé relevait de la prudence et participait de sa préservation. La liberté ne doit pas être utilisée à tout bout de champ pour braver les interdits au risque de la perdre définitivement, la liberté s'exerce, elle ne s'utilise pas.
Après avoir répondu à des tonnes de questions sur les carrières sportives et signé autant d'autographes qu'il était possible de le faire avec quinze litres d'encre, les élèves la quittèrent presque déçus de ne pas l'avoir pour eux plus longtemps.
- Vous volerez Samedi prochain?
- Tu penses sérieusement que je raterais les internationaux? Ils ne me louperaient pas, eux! Si je veux continuer à être discrète, aussi bizarre que cela puisse paraître, il faut me montrer! Sinon tout le monde parlera de mon absence!
Encore un message à double tranchant qui n'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde. La petite Serdaigle avait adressé un clin d'oeil lourd de sens à l'aviatrice qui savaient bien que tout l'auditoire n'était pas neutre.
- C'est vrai que vous donnerez un cours de vol ici?
- Eh bien Sirius m'a proposé de prendre sa place les fois où il joue la Staaaar des Canons de Chudley alors... peut-être.
- Ouaiiis! A bientôt!
- A bientôt, jeune homme!
Il allait être heureux de savoir qu'on voulait le remplacer... Et en parlant d'idée détestable...
- Vous êtes ensemble, Sirius Black et vous?
- Tu es de la Gazette du Sorcier?
- Non! ... C'est un aveu???
- Pas du tout. Mais on adore faire tourner la Gazette du Sorcier en bourrique sur notre relation. Je me contente de le laminer au vol. C'est mon ami. J'ai tous les avantages sans les inconvénients!
- C'est comme ça que vous parlez de vos amis...?
- Celui-là uniquement.
Une fois débarrassée de presque tout son auditoire, Madame Ombrage s'approcha d'elle.
- Voulez-vous prendre une tasse de thé dans mon bureau?
- Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, j'aimerais beaucoup pouvoir admirer les trophées qui sont ici... Je ne les ai pas vus depuis des années et cette pièce me manquait terriblement! J'avais prévu de le faire avant la conférence mais vos élèves m'attendaient de pied ferme!
- Très bien, je ne vous en veux pas. Vous reviendrez? On reste jeune!
- Tout à fait! Vous savez où faire parvenir vos invitations!
Elle s'effaça souriante et manifestement rajeunie au moins dans sa tête. Son égo venait encore d'enfler mais les quelques élèves restant n'étaient pas dupes. Encore quelques autographes et des questions plus personnelles et il ne resta plus que lui...
- Tu crois que je t'ai raté, dans le coin, là bas? Toutes les filles bavaient dans cette région! Remarque... c'est utile un infirmier dans ce genre de conférence... Peut-être auraient-ils voulu me faire une démonstration entre les vitrines!
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Jeu 29 Déc - 14:26